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Municipalité sans vision : le retour post-COVID va faire mal

Québec Municipal | Québec - Monday, 8 February 2021

Si plusieurs municipalités se différencient par une volonté acharnée de se dépasser en offrant des services exceptionnels et des approches innovantes, d’autres municipalités se démarquent par une sclérose organisationnelle déroutante. Pour les fonctionnaires évoluant dans une municipalité sans vision et condamnés au télétravail depuis bientôt un an, le retour au bureau peut représenter un véritable cauchemar.

Il y a lieu de réfléchir un tantinet…

Le Québec se distingue par son nombre important de petites municipalités de moins de 2000 habitants, soit 711 sur un total de 1131[1]. La province se distingue également par un nombre incroyablement élevé de candidats élus sans opposition, soit près de la moitié[2]. Lors des dernières élections municipales, 164 municipalités de moins de 2 000 habitants ont vu leur conseil municipal se composer en totalité de candidats élus par acclamation. Ce manque de choix est déprimant, d’autant que la seule qualification pour être élu, c’est le scrutin.

Dans tous les milieux de travail, incluant les municipalités québécoises, la vision et la mission de l’organisation constituent des éléments fondamentaux au niveau de la motivation et de l’alignement des ressources humaines. Dans le cas des municipalités québécoises, plus les fonctionnaires adhèrent à la vision et à la mission de l’organisation, plus ils se surpassent.

Hélas, plusieurs municipalités ne disposent pas de planification stratégique à jour et conséquemment, d’une mission ou d’une vision contemporaine. En outre, plusieurs élus, au grand cœur, n’en voient tout simplement pas l’importance. C’est particulièrement vrai dans les petites municipalités où le budget de fonctionnement est minimal.

Si l’équilibre « plaisir-rendement » est étonnamment maintenu dans certaines municipalités sans vision, il va sans dire que le risque de bascule est grand.

Figure 1 : Équilibre dans un milieu de travail agonisant

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Dans ces municipalités fossilisées, les fonctionnaires compensent les déceptions professionnelles répétées par des interactions positives avec des collègues tout aussi désabusés. Habituellement, l’espoir de changement aux quatre ans (élections) permet à certains de tenir le coup. Mais après plus d’un an en télétravail, qu’arrivera-t-il?

« Dans les municipalités sans vision, les fonctionnaires compensent les déceptions professionnelles répétées par des interactions positives avec des collègues tout aussi désabusés »

Depuis l’extinction des tyrannosaures, jamais les fonctionnaires municipaux n’ont été forcés de travailler à distance si longtemps (souvent sans outils appropriés). Il ne s’agit pas ici de contester les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement du Québec (bien au contraire), mais de présumer de certaines conséquences résultant de l’état d’urgence sanitaire décrété par le ministre de la Santé et des Services sociaux en vertu de la Loi sur la santé publique[3].

L'absence d’interactions, jumelée au néant organisationnel, laissent présager des effets dramatiques pour les municipalités sclérosées.

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Pour les gestionnaires de ces milieux de travail problématiques, il importe de mettre en place sans délai une planification rigoureuse de retour au travail. En effet, les gestionnaires municipaux devront redoubler d’efforts pour atténuer les effets dévastateurs d’un manque de vision et de mission, jumelé à un désengagement des ressources humaines. Cela paraît encore plus important dans un contexte où des recherches récentes révèlent qu’une majorité d'employés (entre 50% et 80%) souhaitent demeurer en télétravail, même lorsqu’il sera possible de réintégrer les bureaux[4].

Parmi les actions à poser, il faudra notamment :

  1. Organiser les mois restants (avant les élections), c’est-à-dire en élaborant un plan de retour au travail stimulant, concret et collaboratif;
  2. Maximiser les interactions « sécuritaires » entre les fonctionnaires pour retisser des liens professionnels significatifs;
  3. Encourager le plaisir au travail;
  4. Mettre en place des stratégies efficaces de communication (internes et externes) pour éviter les frustrations et les incompréhensions;
  5. Porter une attention soutenue aux besoins des fonctionnaires afin d’offrir des services de soutien professionnel si nécessaire.

L’administration d’une municipalité ne se compare pas à celle d’un club de dards ou de pétanque. Il s’agit d’un milieu de travail soumis à d’énormes pressions d’acteurs sociaux aux intérêts variés. Lorsque la vision organisationnelle remonte à la colonisation de l’Amérique française, il va sans dire que des fonctionnaires mobilisés sont indispensables pour offrir des services de qualité à l'ensemble des contribuables.

Bonne chance à tous les gestionnaires municipaux... et Bon retour!

[1] Décret de population pour 2020 : Décret 1214-2019 du 11 décembre 2019, Gazette officielle du Québec, partie 2, 26 décembre 2019. Estimation au 1er juillet 2019.

[2] https://www.ledevoir.com/politique/regions/510542/pres-de-la-moitie-des-maires-du-quebec-elus-par-acclamation-faute-d-opposition

[3] Loi sur la santé publique, S-2.2.

[4] https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/facteur-matinal/segments/entrevue/191815/pandemie-travailleur-teluq-etudes-gestionnaire-emploi-teletravail

 

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Cet article ne constitue pas un avis d'ordre juridique ni une opinion juridique quelconque et ne peut être utilisé à des fins professionnelles ou commerciales. Aucun lecteur ne devrait agir, ni s'abstenir d'agir, en se fiant uniquement à cet article sans consulter au préalable un avocat. L'article est à jour au moment de sa publication initiale. Les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d'un féminin et d'un masculin.

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Enfin, cet article comprend des positions et opinions personnelles et n'engage en rien la responsabilité de l'employeur de l'auteur. L'objectif est de sensibiliser les acteurs du milieu municipal à certains enjeux politico-juridiques contemporains.

Me Sylvain Déry

Me Sylvain Déry
LL.B, M.B.A., Adm.A, OMA

Bachelier en droit et titulaire d'une Maîtrise en administration des affaires (MBA) de l'Université Laval, je suis membre du Barreau du Québec et membre de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec (Adm.A). Je détiens deux diplômes universitaires en droit de l'Université de Montpellier (France). Je siège au sein du Comité consultatif du Barreau du Québec en droit municipal. Je suis par ailleurs Officier municipal agréé (OMA). 

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