Le 8 janvier 2021, le Tribunal administratif du travail a rendu une (autre) décision importante dans un dossier de destitution illégale d’un directeur municipal expérimenté.
Les destitutions partisanes de cadres municipaux ne résistent pas à une analyse juridique soutenue.
Québec Municipal | Québec - Thursday, 25 February 2021Dans l’affaire Langlois c. Ville de Paspébiac, 2021 QCTAT 20, la juge administrative Myriam Bédard annule la destitution du directeur général. Le tribunal ordonne à la Ville de Paspébiac de lui verser la somme de 127 530$ à titre d’indemnité de perte d’emploi, 40 000$ à titre de dommages moraux et 72 000$ à titre de remboursement des sommes dépensées pour exercer le recours.
LES FAITS
Le 15 janvier 2018, le nouveau conseil municipal est alors en place depuis deux mois. Avant la séance, le directeur général, âgé de 66 ans, rencontre le maire à son bureau. Ce dernier lui annonce que le conseil municipal souhaite qu’il soit suspendu de ses fonctions, mais cela peut être évité s’il démissionne en contrepartie d’une indemnité équivalant à deux mois de salaire.
Le directeur général répond que son contrat de travail prévoit déjà les conditions pour mettre fin à son emploi et que cette offre ne les respecte pas. C’est dans ce contexte que se tient la séance publique et que le directeur général est suspendu de ses fonctions. Quelle surprise!
Comme c’est souvent le cas dans ce type de dossier farfelu, une résolution laconique est ensuite adoptée quelques semaines plus tard. Elle fait référence à la nécessité d’une confiance totale! Il est mentionné qu’à la suite d’une enquête sérieuse et de la vérification des informations transmises, la « rupture définitive et irrémédiable du lien de confiance entre le conseil et le directeur général » rend « impossible le maintien du lien d’emploi ».
Les sanctions imposées au directeur général sont évidemment médiatisées, mais peu de motifs sont publiés. Le maire donne des entrevues à la presse écrite et radiophonique.
LES CONSÉQUENCES
Les sanctions imposées causent évidemment un choc immense à l’ex-directeur général. Il affirme avoir perdu plus de 60 livres. À compter de sa suspension et encore aujourd’hui, il affirme vivre difficilement le regard des gens de sa petite communauté. On peut le comprendre!
LA POLITIQUE CRASSE
Si certains élus ont manifesté leur insatisfaction à l’égard du directeur général en certaines circonstances, jamais l’ex-directeur général n’a reçu de reproche, de réprimande ou de demande de corriger ses façons de faire. Au contraire, on lui a confié de plus en plus de tâches, lui demandant d’assumer les remplacements des uns et des autres, avec peu de ressources, en ne lui octroyant pas de soutien véritable. Il a toujours accepté les mandats qu’on lui confiait sans mot dire et tout cela sans augmentation salariale pendant près de dix ans.
Comme c’est souvent le cas, le nouveau conseil municipal a fait porter le poids de toutes les décisions des conseils précédents auxquelles il s’opposait depuis longtemps sur les seules épaules de l’ex-directeur général.
Dans ce dossier, les membres des conseils précédents ont témoigné de l’immense charge de travail confiée à l’ex-directeur général, trop importante, ont-ils admis. Si des erreurs se sont produites, il ne peut en prendre seul le blâme et justifier une destitution après près de dix ans de services sans reproches.
CONCLUSION
Après huit jours d’audience échelonnés sur plus de deux ans, la Ville de Paspébiac est condamnée à payer des indemnités s’élevant à 239 530$.
Mes sympathies!
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Enfin, cet article comprend des positions et opinions personnelles et n'engage en rien la responsabilité de l'employeur de l'auteur. L'objectif est de sensibiliser les acteurs du milieu municipal à certains enjeux politico-juridiques contemporains.
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Me Sylvain Déry Bachelier en droit et titulaire d'une Maîtrise en administration des affaires (MBA) de l'Université Laval, je suis membre du Barreau du Québec et membre de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec (Adm.A). Je détiens deux diplômes universitaires en droit de l'Université de Montpellier (France). Je siège au sein du Comité consultatif du Barreau du Québec en droit municipal. Je suis par ailleurs Officier municipal agréé (OMA). Courriel : Contacter |