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Le harcèlement psychologique au travail en deux temps

Fédération québécoise des municipalités | Québec - Mardi, 12 janvier 2021
 

Par Me Héloïse Desgagnés, avocate au sein de la Fédération québécoise des municipalités

Dans cet article, nous traiterons du harcèlement psychologique et sexuel au travail (harcèlement), sous deux angles différents : les assurances collectives et le télétravail.

L’interaction entre les assurances collectives et le harcèlement

Certains assureurs ont parfois tendance à refuser les demandes de prestations lorsque la maladie qui engendre l’arrêt de travail découle d’un conflit de travail. Ils incitent plutôt les assurés à utiliser les recours prévus par la Loi sur les normes du travail ou encore la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Il faut se méfier de cette pratique qui peut avoir un impact financier important pour l’employeur et qui ajoute du stress à l’employé qui doit intenter un recours contre son employeur.

Dépendamment de ce qui est prévu à la police d’assurance, un employé peut avoir droit à une prestation d’invalidité bien que la source de sa condition médicale découle d’un conflit de travail :

« Le fait que cette maladie survienne à l'occasion d'un conflit de travail, ou par la faute alléguée de son employeur, ne peut être reproché au demandeur.  C'est l'invalidité qui fait l'objet de la protection d'assurance et ce, sans égard à sa cause.  Dans le contexte de la présente affaire, le fait d'invoquer comme motif de refus que l'arrêt de travail serait attribuable à des problèmes au sein du milieu de travail du demandeur est non seulement inopportun, mais contraire aux exigences contractuelles liant les parties.  Ceci n'est pas un motif valable de refus. »[1]

Pour refuser une prestation en se basant sur le climat de travail, il faudrait qu’une telle exclusion soit prévue à la police d’assurance. À cet égard, certaines polices stipulent que l’adhérent qui est admissible à une prestation en vertu de la LATMP ne peut recevoir de prestations d’invalidité dans un tel cas. L’employé est admissible au régime gouvernemental dans le cas où la situation dénoncée excède le cadre normal du travail. À titre d’exemple, un simple conflit interpersonnel ou l’imposition de mesures disciplinaires qui entraînent un trouble d’adaptation, ne sauraient se qualifier de lésion professionnelle.

Nous vous conseillons de rester à l’affût lors d’un arrêt de travail en lien avec un problème de climat de travail afin d’éviter que l’assurance transfère l’indemnisation à la CNESST, ce qui pourrait avoir une incidence monétaire importante pour l’employeur.

Télétravail et harcèlement psychologique : les obligations de l’employeur demeurent

Dans la dernière année, le télétravail s’est imposé rapidement dans plusieurs organisations et a bousculé nos habitudes.

Force est de constater qu’employeurs comme employés ont fait preuve de flexibilité, de patience et de résilience étant donné la pandémie. Ce qui devait être temporaire perdure dans plusieurs organisations, et certaines envisagent de recourir au travail à distance à long terme.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le télétravail n’empêche pas la présence de harcèlement au travail. Il y a lieu de rappeler que les obligations de l’employeur envers ses employés à cet égard demeurent.

Ainsi, le harcèlement n’est pas limité à l’intérieur de l’enceinte physique de l’organisation municipale.

En effet, une situation de harcèlement peut survenir lors d’échanges de courriels ou de textos, lors d’appels téléphoniques ou de visioconférence via les plateformes de communication collaborative (tel Microsoft Teams ou slack), etc. Les gestionnaires sont moins à même de constater ou d’être témoin des dérapages par l’entremise de ces outils de communication, ce qui rend leur travail plus difficile à ce niveau. Il est donc crucial d’adapter votre approche afin de prévenir et faire cesser le harcèlement. Voici quelques exemples de mesures qui peuvent être mises en place:

  • Maintenir des canaux de communication continus avec les employés afin d’être mis au courant des situations problématiques, par exemple en multipliant les rencontres d’équipe, les activités informelles à distance et les rencontres individuelles.
  • Respecter, lorsque possible, les heures normales de travail pour transmettre des communications.
  • Réviser la politique contre le harcèlement pour s’assurer qu’elle s’applique dans le cas du télétravail.
  • Rappeler aux employés que la politique s’applique lors du télétravail.
  • Clarifier les attentes en regard des comportements acceptables et inacceptables.
  • Effectuer des suivis ponctuels afin d’évaluer le climat de travail; cela peut être fait via de courts sondages.

Dans ce contexte, nous vous encourageons à revoir vos pratiques, notamment en gestion des ressources humaines, pour vous assurer qu’elles sont cohérentes avec le télétravail et en assureront la pérennité.

La FQM a récemment mis sur pied et rendu disponible sur son site internet un coffre à outils en matière de harcèlement comprenant un éventail de ressources afin d’appuyer ses membres en ce sens.

Le coffre à outils comprend un modèle de politique de prévention du harcèlement, de l’incivilité et de la violence au travail et son guide d’implantation qui s’applique lors du télétravail, un modèle de code de civilité, des affiches de sensibilisation, des formations en ligne, ainsi qu’un cycle d’intégration qui vous accompagne dans la mise en place de chacun de ces outils.

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Des questions concernant ce sujet? N’hésitez pas à communiquer avec notre Service en ressources humaines et relations du travail. Nos professionnelles sauront répondre à vos interrogations et vous aider.

Cet article est rédigé grâce à une contribution financière provenant de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail. Nous souhaitons la remercier pour son appui.

[1] Dubé c. SSQ, société d’assurances, 2017 QCCQ 14332 para 26