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Le droit de préemption : un nouvel outil bientôt disponible à l'ensemble des municipalités?

DHC Avocats inc. | Montréal - Jeudi, 23 juin 2022
 

Par Me Simon Frenette, avocat associé en droit municipal au sein du cabinet DHC Avocats

En 2017, dans le cadre de l’adoption de la Loi augmentant l’autonomie et les pouvoirs de la Ville de Montréal, métropole du Québec[1], le législateur a accordé à la Ville de Montréal un droit de préemption qui lui permet d’acquérir des immeubles en priorité sur tout autre acheteur, selon le mécanisme prévu aux articles 151.1 à 151.7 de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec[2]. Le 12 mai dernier, le premier ministre du Québec annonçait son intention d’accorder à l’ensemble des municipalités du Québec ce pouvoir utile et important afin de construire des logements sociaux ou abordables. Par ailleurs, un projet de loi déposé par une députée de l’opposition[3] est actuellement à l’étude[4]. Voici un aperçu de ce pouvoir méconnu.

Tout d’abord, la municipalité doit adopter un règlement afin de déterminer sur quelle portion de son territoire un tel droit peut être utilisé et à quelles fins les immeubles peuvent être acquis[5]. Par la suite, ce pouvoir s’exerce par l’inscription au Registre foncier, par la municipalité, d’un avis d’assujettissement au droit de préemption[6] qui indique la fin pour laquelle l’immeuble peut être acquis[7]. Ainsi, par l’accomplissement de ces formalités, le propriétaire ainsi que tout tiers intéressé est avisé ou est présumé l’être quant au possible exercice du droit de préemption par la municipalité.

Ensuite, le propriétaire qui souhaite aliéner son immeuble[8] doit, sous peine de nullité, notifier à la municipalité de son intention de procéder à une telle aliénation afin de lui permettre d’exercer son droit de préemption, le cas échéant[9]. Ainsi, le propriétaire devra « indiquer le prix et les conditions de l’aliénation projetée ainsi que le nom de la personne qui envisage d’acquérir l’immeuble »[10]. Également, si la contrepartie est « non monétaire », une estimation fiable et objective de cette contrepartie doit être prévue dans cet avis.

En ce qui concerne la municipalité, celle-ci dispose d’un délai de 60 jours suivant la notification de l’avis d’intention d’aliéner afin d’exercer son droit de préemption en transmettant au propriétaire un avis en ce sens[11]. Dans ce cas, la municipalité aura l’obligation d’acquérir l’immeuble au prix et aux conditions énoncées dans l’avis, sauf entente contraire avec le propriétaire. Suivant la transmission de l’avis d’intention, la municipalité dispose d’un autre délai de 60 jours pour acquitter le prix de l’immeuble[12].

Finalement, la municipalité a l’obligation de dédommager toute personne qui envisageait d’acquérir l’immeuble « pour les dépenses raisonnables qu’elle a encourues dans le cadre de la négociation du prix et des conditions de l’aliénation projetée »[13].

Ce pouvoir est notamment utile afin de permettre aux municipalités d’acquérir des immeubles autrement que par le biais d’une acquisition de gré à gré ou par expropriation. Toutefois, le droit de préemption n’a pas pour effet de permettre à une municipalité de devenir propriétaire d’un immeuble si son propriétaire ne prévoit pas l’aliéner.

Ce pouvoir intéressant pourrait être utile aux municipalités afin de permettre à celles-ci de mettre à la disposition de leur population des logements à prix modiques ou encore pour réaliser tout autre projet qui nécessite un immeuble en particulier.


[1] Projet de loi no 121, 2017, chapitre 16

[2] RLRQ chapitre c-11.4 (ci-après la « Charte »)

[3] Mme Méganne Perry-Mélançon, députée de Gaspé

[4] Projet de loi no 994, Loi donnant aux municipalités locales le pouvoir d’exercer de préemption sur des immeubles a été présentée à l’Assemblée nationale

[5] Art. 151.2 de la Charte

[6] Art. 151.1 al. 2 et 151.2 de la Charte

[7] Art. 151.3 de la Charte

[8] À une autre personne qui lui est liée au sens de la Loi sur l’impôt

[9] Art. 151.4 de la Charte

[10] Art. 151.4 al. 2 de la Charte

[11] Art. 151.5 de la Charte

[12] Art. 151.6 de la Charte

[13] Art. 151.7 de la Charte

Me Simon Frenette

Me Simon Frenette
Avocat associé en droit municipal au sein du cabinet DHC Avocats

514 392-5714

 

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Ajouté par Doris Gauvin, mardi 14 juin 2022, à 8 h 27

Le droit de préemption dont il est question dans cet article a finalement été adopté par le biais du projet de loi 37 qui a été sanctionné le 10 juin 2022.

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