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Il était une fois... une MRC et des castors!

Morency, société d'avocats | Mercredi, 24 mai 2017
 

Par Me Christopher-William Dufour-Gagné, avocat en droit municipal au sein du cabinet Morency, Société d'avocats

L’Anse Port-Aux-Persil, Municipalité de Saint-Siméon. 28 août 2011, un peu après 23h00. « On sent la terre trembler sous nos pieds comme un tremblement de terre » et soudain, « Il y a eu un coup d’eau, on a vu une vague, on entendait rouler des roches, des arbres qui cassaient et descendaient dans la montagne ».

C’est de cette manière qu’un témoin relatait à la Cour ce qu’il a observé cette nuit du 28 août 2011 après qu’un barrage de castors situé dans le ruisseau du Canton ait cédé laissant évacuer d’un seul coup le volume d’eau qu’il retenait.

L’histoire révèlera que ce barrage retenait l’équivalent d’un lac mesurant 100 mètres carrés et contenant de 10 000 mètres cubes à 15 000 mètres cubes d’eau.

C’est la trame factuelle à l’origine du jugement rendu par la Cour supérieure il y a quelques semaines, le 10 janvier 2017 dans l’affaire Tremblay c. Municipalité régionale de comté Charlevoix-Est (2017 QCCS 91).

Dans cette affaire, les demandeurs poursuivaient la MRC en dommages et intérêts au motif que l’inondation qu’ils ont subi était, selon eux, tributaire de l’omission d’agir de la MRC à l’égard du barrage. Dans un jugement de quelques 47 pages, la Cour supérieure en vient à condamner la MRC à payer au demandeur une somme avoisinant 650 000 $ avec intérêts.

Cette décision mérite l’attention de tous, étant entendu qu’elle rappelle le régime de responsabilité qui incombe aux MRC relativement aux cours d’eau. Plus particulièrement, la Cour rappelle le régime instauré par l’article 105 de la Loi sur les compétences municipales (RLRQ, ch. 47.1) lequel édicte :

« 105. Toute municipalité régionale de comté doit réaliser les travaux requis pour rétablir l’écoulement normal des eaux d’un cours d’eau lorsqu’elle est informée de la présence d’une obstruction qui menace la sécurité des personnes ou des biens.

Tout employé désigné à cette fin par la municipalité régionale de comté peut, sans délai, retirer d’un cours d’eau les obstructions qui empêchent ou gênent l’écoulement normal des eaux, sans préjudice aux droits de la municipalité de recouvrer, de toute personne qui les a causées, les frais relatifs à leur enlèvement. »

Évaluant les tenants et aboutissants de cette disposition, la Cour nous enseigne que le devoir d’intervention découlant de cette disposition s’applique dans la mesure où la MRC « est informée de la présence d’une obstruction qui menace la sécurité des personnes ou des biens ». En ce sens, l’article 105 LCM constitue un allégement du fardeau qui avait été imposé par le passé aux MRC par le truchement des articles 785 et 846 du Code municipal du Québec et qui avait été interprété par la Cour d’appel comme imposant aux MRC un devoir constant de surveillance et d’entretien de l’ensemble des cours d’eau sous sa responsabilité.

Ainsi, faisant sienne certain passage de doctrine, la Cour est d’avis que le nouveau régime de l’article 105 s’applique « à partir du seul moment où la MRC est informée de la présence d’une obstruction, de sorte que la MRC n’a plus aucune obligation de faire procéder à une inspection systématique des cours d’eau de son territoire ».

Appliquant ces notions de droit au fait de l’espèce, la Cour a conclu que la MRC avait engagé sa responsabilité en tolérant « un état de fait potentiellement dangereux ». En effet, lors de l’audition, il a été prouvé que la MRC avait connaissance de l’existence du barrage de castors dès l’automne 2010. Ayant connaissance du barrage, le devoir d’intervention édicté à l’article 105 s’enclenchait alors.

Cette décision nous rappelle donc le fardeau qui repose sur les MRC en matière de gestion des cours d’eau.

NDLR : Au moment d’écrire ces lignes, le jugement sous étude n’avait été porté en appel.

Me Christopher-William Dufour-Gagné

Me Christopher-William Dufour-Gagné
Avocat en droit municipal au sein du cabinet Morency, Société d'avocats

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