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Les privilèges d'une société d'État qui entreprend un recours en dommages contre une municipalité

Prévost Fortin D'Aoust | Boisbriand - Jeudi, 22 juin 2017
 

Par Me Charlotte Deslauriers-Goulet, avocate en droit de la construction au sein du cabinet PFD avocats

La Cour suprême rejette la demande de la Ville d’en appeler de la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Ville de Montréal c. Hydro-Québec.

Dans l’affaire Ville de Montréal c. Hydro-Québec[1], la Cour d’appel avait déterminé qu’Hydro-Québec n’était pas assujettie à l’obligation de transmettre à la Ville de Montréal, dans les quinze jours d’un accident, l’avis de réclamation prescrit par le législateur à l’article 585 de la Loi sur les cités et villes (ci-après « LCV »).

Les faits ayant mené à cette décision sont les suivants. Le 26 septembre 2014, la Ville de Montréal a entrepris des travaux pour remplacer un câble électrique enfoui dans le sol. Ces travaux ont été effectués par un sous-traitant dont la Ville avait retenu les services, soit Sciage de béton 2000. Lors de l’exécution des travaux en question, la pelle mécanique utilisée a sectionné un second câble sous tension, lequel appartenait à Hydro-Québec.

Cet incident a provoqué une panne d’électricité affectant plusieurs immeubles et Hydro-Québec a dû installer une génératrice et effectuer d’importants travaux d’urgence afin de rétablir le courant. Ce n’est que deux mois après l’incident qu’Hydro-Québec a transmis à la Ville de Montréal un avis lui mentionnant sa volonté d’être dédommagée. Près de quatre mois plus tard, Hydro-Québec a entrepris un recours contre la Ville de Montréal, Sciage de Béton 2000, de même que l’assureur responsabilité en cause. La Ville de Montréal a tenté de faire rejeter l’action en soutenant qu’Hydro-Québec avait omis de lui faire parvenir l’avis requis par l’article 585 de la LCV dans le délai imparti.

La Cour devait donc déterminer les privilèges et immunités dont bénéficiait la Couronne[2] lorsque celle-ci agit en demande dans le cadre d’une action judiciaire en recouvrement de ses créances. Concrètement, elle devait décider si Hydro-Québec était assujettie à l’obligation de transmettre dans les quinze jours de l’accident, l’avis de réclamation prescrit par le législateur dans la LCV.

Dans une décision antérieure de la Cour d’appel[3], il avait été déterminé qu’en matière de prescription, l’effet combiné de l’article 31(3) de la Loi sur Hydro-Québec et des articles 2877 et 2925 du Code civil du Québec pouvait faire entorse à l’immunité d’Hydro-Québec. En effet, l’article 31(3) de la Loi sur Hydro-Québec prévoit que les créances d’Hydro-Québec sont soumises aux prescriptions de droit commun, tandis que l’article 2925 du Code civil du Québec édicte le délai de prescription extinctive de trois ans, à moins qu’il ne soit autrement fixé, ce que fait l’article 585 de la LCV. En s’appuyant sur cet arrêt, la Ville de Montréal tentait de faire valoir qu’Hydro-Québec était tenue de respecter le délai de quinze jours prévu à la LCV.

Après avoir procédé à une analyse en fonction de la version anglaise des textes législatifs en cause, la Cour a rejeté la première proposition de la Ville. La seconde proposition avancée pour affirmer qu’Hydro-Québec était soumise au délai de quinze jours a également été rejetée par la Cour d’appel. Essentiellement, la Ville soutenait que le délai de quinze jours constituait un délai de prescription plutôt qu’une exigence de condition d’existence du droit d’action. La Cour considère, à cet égard, que le but recherché par le législateur lors de l’adoption de l’article 585 de la LCV est clair : il désirait imposer une obligation supplémentaire à la partie demanderesse de manière à faire obstacle à son droit d’action. Étant donné la définition usuelle du « délai de déchéance », la Cour considère que par sa rigueur, l’obligation imposée par la LCV présente une analogie suffisante avec un délai de déchéance. En conséquence, la Cour d’appel a donné raison à Hydro-Québec en décidant qu’en tant que mandataire de l’État, elle n’était pas assujettie au délai de quinze jours imposé par la LCV.

 

[1]  Montréal (Ville de) c. Hydro-Québec, 2016 QCCA 1942.

[2]  Dans le cas soumis, l’une de ses sociétés mandataires.

[3]  Hydro-Québec c. Hampstead (Ville), 2000 CanLII 5768 (QC CA).

Me Charlotte Deslauriers-Goulet

Me Charlotte Deslauriers-Goulet
Avocate en droit de la construction au sein du cabinet PFD avocats

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